Confrontée à des accaparements massifs de terres, la société civile malienne tient depuis quelques années le « village des sans terres » au cours duquel les paysans cherchent ensemble des solutions à leur problème. Cette année paysans Maliens et caravaniers ouest-africains ont marché pour que les intérêts des paysans soient pris en compte dans l’élaboration de la nouvelle loi foncière.
Les accaparements de terres sont fréquents au Mali depuis le début des années 2000. Pariant ouvertement sur l’agrobusiness, le gouvernant de l’époque n’avait octroyé plusieurs centaines d’hectares à des investisseurs privés et étrangers. La ruée vers les terres s’est fait dans un mépris des droits des paysans, propriétaires depuis toujours. Les expropriations ont eu pour conséquence la multiplication du nombre des paysans sans terres. C’est pour mieux défendre leurs intérêts et tenter de récupérer leurs biens ancestraux que les paysans spoliés se sont regroupés au sein de la Convergence malienne contre les accaparements de terres (CMAT). « On a remarqué que les paysans étaient de plus en plus victimes des spéculateurs et des investisseurs. C’est à partir de là que certaines organisations ont décidé de mutualiser leurs efforts pour lutter contre ce fléau », affirme Moussa Coulibaly, membre du comité technique de la CMAT.
Sachant que les victimes des accaparements des terres vivent dans des villages très reculés, la CMAT tient, en pleine capitale chaque année, le village des « sans terres ». L’objectif de ce village improvisé est des terres et contraindre les autorités à réviser leur position en mettant la problématique sur la place publique. « Malgré la médiatisation, les victimes demeurent inaudibles. Le phénomène demeure abstrait pour les politiques. Mais en amenant les victimes sous leurs fenêtres, les autorités ne peuvent plus faire la sourde oreille à nos revendications », explique Moussa Coulibaly.
Cette année, la tenue du « village des sans terres » coïncide avec le séjour au Mali, de la caravane ouest-africaine pour la terre, l’eau et les semences paysannes. Pour marquer l’événement, la CMAT a organisé une marche le 10 mars 2016 à Bamako, pour influer sur la loi foncière en cours d’élaboration. « Les sans terres » ont pu compter sur le renfort des caravaniers venus du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Togo. Au cours de la marche, le millier de marcheurs n’a pas ménagé les autorités.
Avec des slogans bien rodés en Bambara, la principale langue locale, ou en Français, les cibles restent les mêmes : les responsables indélicats. Les marcheurs ont battu le pavé en répétant les slogans suivants : « de mauvais maires, nous n’en voulons plus », « de mauvais préfets, nous n’en voulons plus », « des mauvais gouverneurs, nous n’en voulons plus », « des mauvais députés, nous n’en voulons plus » ! Avant de mettre un terme à la marche, ils ont remis aux députés chargés leurs revendications. Elles tiennent en une idée : ne pas voter la loi en l’état. Les organisations paysannes reprochent à la loi son caractère peu participatif. Elles estiment que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte dans la dernière version. « La loi a été vidé de son essence. D’une centaine d’articles on se retrouve avec seulement une quarantaine. C’est une coquille vide qui ne saurait protéger les intérêts des paysans », s’offusque Massa Koné, membre de la CMAT.
Visiblement, cette action d’éclat n’a été du goût des autorités. Elles ont boycotté la cérémonie de clôture du « village sans terres ». Ni le gouverneur, ni le maire de Bamako n’est venu recevoir le livret de la caravane comme ce fut le cas à chaque étape. « On nous a dit que les slogans utilisés pendant la marche sont la raison du boycott des autorités. Je me dis que les autorités ont quelque chose à se reprocher car nos slogans étaient destinés aux mauvais dirigeants, pas les bons », se justifie Moussa Coulibaly. Quoiqu’il en soit, la CMAT promet de continuer la lutte jusqu’à obtenir satisfaction.
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